Les gens fantasment beaucoup sur le métier de pilote de ligne, sans finalement trop savoir ce qu'il en est. Je vais donc essayer, tant que faire se peut, de vous décrire dans une série d'articles le quotidien d'un pilote.
N'hésitez pas à poser des questions ou à commenter à l'issue des articles, je me ferai une joie d'essayer d'y répondre.
Le premier de ces articles est consacré à la préparation de vol. Je sais que pas mal d'entre vous ont déjà demandé des précisions sur cette phase, voici votre voeu exaucé.
La préparation du vol.
Les pilotes de ma compagnie sont supposés se rendre à la Crew room au minimum une heure avant le départ du vol. De manière générale, les copis arrivent en avance afin de préparer au mieux les documents de vol pour l'arrivée du captain. Tout est timé avec précision, et il n'y a que très peu de temps pour les bavardages concernant le barbecue de la veille ou sur la couleur du nouveau bateau que le commandant envisage d'acheter.
A l'arrivée, nous partons sur les ordinateurs qui ornent les murs de la salle de briefing afin d'y vérifier qu'aucun changement ne nous affecte (nouvelle route, équipage qui arrivera en retard, etc...) et nous enregistrons sur le système.
Pour la documentation de vol, nous utilisons les mêmes systèmes que la Lufthansa, un système appelé LIDO briefing. Cette documentation très complète nous fournit toutes les informations (utiles et moins utiles) relatives au vol : la route empruntée, les différentes masses de l'appareil, les aéroports de déroutement, les NOTAM (voir ci-après), la météo sur les aéroports en route, au départ et à destination, les SIGMET, et les NTC.
Evidemment, comment parler de briefing sans utiliser un jargon... Bien que j'essaie de rendre l'exposé clair, veuillez m'excuser si quelques zones d'ombres subsistent.
Description :
Les NOTAM (NOtice To AirMen) sont des messages publiés par les agences gouvernementales de contrôle de la navigation dans le but d'informer les pilotes d'évolutions sur les infrastructures (une navaid en panne, une grue sur un aéroport, etc...)
Les SIGMET (SIGnificant METeorological information) sont des messages destinés aux avions en vol signalant des phénomènes météorologiques dangereux et observés et/ou prévus.
Les NTC (Notices to Crew) sont des messages émis par les compagnies à l'attention de leurs pilotes pour attirer leur attention sur certains points particuliers (nouvelle procédure, par exemple)
Le briefing LIDO est imprimé généralement par le copilote, et a été préparé en amont par une équipe au sol dont c'est le job.
Le temps que le commandant arrive, j'ai pour habitude de lire une première fois les documents et d'en relever les points importants. Dans le même temps, lorsque je ne suis pas familier des procédures de l'aéroport où nous nous rendons, il nous est possible de consulter les cartes Jeppesen (l'organisme qui nous fournit les cartes) mises à disposition.
L'arrivée du commandant est souvent simultanée à celle des cabin crews. Pendant que les pilotes se briefent sur le vol, les crew revoient leurs procédures et discutent des conditions particulières propres aux vols du jour.
A l'issue du briefing, nous choisissons, souvent d'un commun accord, qui effectuera quel vol.
Pour comprendre cela, il faut savoir que les tâches du commandant et du copilote sont réparties en "PF" (pilot flying) et "PNF" (pilot non flying). Le PF, comme son nom l'explique, est celui qui pilotera effectivement l'avion, qui actionnera le manche, qui fera monter, descendre, accélérer ou tourner la machine. Le PNF, lui, actionnera le reste : communications, monitoring des actions du PF, vérification des niveaux de fuel, etc...
Ces tâches sont alternées : il est commun que le commandant soit PF sur un secteur et le copi sur le retour.
Eh oui, contrairement aux idées reçues, les 2 pilotes font la même chose !
Bien entendu, le commandant reste le maître à bord et peut reprendre le rôle de PF quand bon lui semble. Après tout, c'est son avion...
Une fois le briefing terminé, les rôles attribués et la quantité de pétrole déterminée, nous allons rencontrer le reste de l'équipage afin de communiquer les informations importantes (café noir sans sucre pour moi). Puis nous faisons route vers l'avion, non sans avoir préalablement vérifié s'il était à l'heure, et son stand.
Bien entendu, nous franchissons les lignes de sécurité et montrons patte blanche.
L'avion est là, et l'activité autour est incessante. Avec un peu de chance, le camion de refuel est déjà là, prêt à envoyer des tonnes de carburants dans les ailes de l'engin.
Pendant que l'équipage effectue ses vérifications de sécurité dans la cabine, le commandant ouvre le Tech Log (la Bible de l'avion, tous les défauts de ce dernier y sont mentionnés, archivés, vérifiés par les ingénieurs et éventuellement planifiés pour réparation ultérieure). Le copi en prend connaissance.
C'est à ce moment que le PF et le PNF entrent dans leur rôle respectif. Pendant que le PF prépare l'ordinateur de bord, le PNF sort de l'avion et effectue une vérification visuelle de la condition générale de l'appareil. Il y cherche à l'oeil nu ce que les systèmes ne peuvent détecter (trou dans la carlingue, déformation d'une pâle de moteur, pneu usagé, indicateurs de freins proches de 0, etc etc...).
Le moindre soucis, et les ingénieurs sont alertés et dépêchés sur place pour évaluer le problème.
Le PF, quant à lui, entre la route dans le FMGC (l'ordinateur de bord) et autres paramètres.
A son retour à bord, le PNF prépare les performances de l'avion. Pour se faire, nous avons à notre disposition un LPC (un ordinateur portable "Less Paper Cockpit").
Cet outil nous permet d'économiser pas mal de temps, et nous donne, pour une configuration donnée, météo donnée, un poids et une répartition du poids donnés, les meilleures vitesses à adopter pour le décollage. Le papier blanc que vous voyez sur le LPC est ce qu'on appelle la "loading sheet". Elle communique le nombre de passagers classés ainsi : Hommes, Femmes, Enfants, Nourrissons. En effet, à chaque catégorie correspond un poids moyen. Il nous présente également quel poids de bagages se trouvent dans les compartiments cargos. Avec toutes ces données, nous avons une estimation précise du poids de l'avion et de son centre de gravité, permettant, comme expliqué plus haut, de calculer les vitesses optimales.
Le principe d'une compagnie low cost, c'est d'utiliser ses avions en l'air le plus souvent possible. Ainsi, chaque minute au sol est une perte de temps pour la compagnie. Nos rotations sont généralement planifiées en 30 minutes. Pendant que les pilotes préparent l'engin, les cabin crews ont terminé leurs vérifications et préparations dans la cabine pour accueillir les passagers.
Les passagers sont à bord, la clairance de départ est donnée par le contrôleur du coin, les portes sont fermées, l'avion est prêt à partir. Mais ça, ça sera pour un prochain numéro !