mercredi 14 juillet 2010

Le bout du tunnel ?

J'écris cet article depuis Berlin, où j'ai accepté la proposition de la compagnie de me re-baser temporairement pour un mois.

Et comme cela fait un bout de temps que je ne vous ai plus parlé d'aviation, je vais remédier à cela en tentant de vous apporter quelques précisions sur les conditions actuelle du marché, ce qui se passe chez nous, et plus si affinités.

Avant toute chose, disons le clairement, on commence à sentir le vent de la reprise sur le coin de nos logbooks. Depuis quelques semaines, les compagnies semblent rouvrir les portes des cockpits, confirmant ainsi ce qui a été constaté depuis que l'aviation commerciale existe : c'est un domaine extrêmement cyclique.

Ainsi, après avoir eu la chance d'être pris par easy au moment où les recrutements étaient gelés quasiment partout ailleurs, j'ai accumulé suffisamment d'heures pour postuler, si le coeur m'en dit, ailleurs. Mais est-ce cela que je souhaite, la question est posée.

En effet, à force de tirer sur tous les coûts possibles et imaginables (hormis les coûts d'entretien), les équipages sont fatigués, les bases sont en sous effectif et des vols sont annulés tous les jours à cause du manque de pilotes. Une situation difficilement tenable s'il en est... Du coup, la compagnie a décidé de créer un contrat "au rabais" pour les nouveaux entrants, avec des conditions abominables, mais qu'aucun jeune ne peut refuser en raison de l'état du marché du travail en aéronautique.

Ces jeunes, malléables à foison, sont envoyés aux 4 coins du réseau pour tenter de repeupler les bases à moindre coût. Mais dans le même temps, la compagnie manque de commandants. Donc, des First Officers sont formés pour la place gauche. Le problème du manque de copis n'est donc, cqfd, pas résolu...

Dans le même temps, les premiers copis à être arrivés sur les termes "flexibles" (dont je fais partie) ont monté leurs heures patiemment et commencent à prétendre à des conditions salariales supérieures. La compagnie est prise à son propre jeu !
Résultat, on nous propose désormais d'être basés temporairement dans certaines bases moyennant une augmentation du salaire de base et surtout un minimum garanti pour la première fois !

Voilà comment je me retrouve dans un très bel hôtel à Berlin, payé pour 31 nuits par la compagnie, avec une augmentation de salaire et un minimum garanti !
Ce même type de proposition a été faite pour la base parisienne de notre choix. Ni une ni deux, j'ai bien entendu accepté d'être rebasé à CDG pour 4 mois, logé pendant 120 nuits aux frais de la princesse orange au Sheraton.
Oui, cela coûte cher, mais ils l'ont bien cherché, quelque part...

Ailleurs, les offres d'emploi réapparaissent progressivement. Qatar, Etihad, Emirates, Vietnam Airlines, Korean, Turkish et Easyjet Swiss recrutent à l'heure actuelle des pilotes expérimentés. Nous allons donc pouvoir très bientôt faire jouer la concurrence, il était temps !

Cette amélioration est une excellente nouvelle également pour les nouveaux entrants, qui vont peut être devoir moins patienter pour obtenir le contrat permanent auquel ils aspirent. Affaire à suivre.

Sinon, pour parler d'autre chose, j'ai passé mon simulateur des 6 mois la semaine dernière. Pour les personnes non initiées, cela consiste à nous enfermer un commandant et moi dans une boîte, avec un instructeur à l'arrière qui s'amuse à nous coller des pannes de toutes sortes pendant 2 X 4heures. A nous de nous poser avec le moins de dégâts possibles.
Le 1er jour, nous étions censés effectuer un Gatwick - Amsterdam - Gatwick. Le commandant de voler le premier secteur, moi le retour.

Nous avons terminé la journée avec, au compteur un moteur en feu que nous avons pu éteindre, une roue bloquée, des volets qui ne sortent pas, un feu cargo non éteint, des passagers malades, un changement de piste et une aide à l'atterrissage qui est tombée en panne alors que nous tournions en finale. Vive le sport.

La seconde journée est plus orientée "entraînement". Pannes moteurs à gogo, révisions de procédures (TOGA 10, décrochage, emergency evacuations, unreliable airspeed...).

Bien que ce type de simulateur ne soit obligatoire que tous les ans, easy nous y envoie tous les 6 mois, avec la perpétuelle menace d'être retiré de la ligne si les performances sont jugées insuffisantes. Mais avec l'assurance de ressortir confiant dans nos procédures.

Voilà les dernières nouvelles du front, les choses bougent, et on s'accroche. Tout n'est pas rose, mais comme je le répète sans arrêt : à partir du moment où l'on ferme la porte du cockpit, les soucis restent à l'extérieur car on se souvient des amis qui n'arrivent pas à décrocher ce boulot et à assouvir leur passion au quotidien.

Sur ces belles paroles, le prochain article sera écrit depuis Paris Charles de Gaulle. Vous n'imaginez pas un instant come j'ai hâte d'y être...

4 commentaires:

Unknown a dit…

Oui ça a l'air de s'eclairer
Meme si je supppose que tu prefererais le salaire au sheraton (enfin le sheraton c'est bien aussi)

Bonne continuation. En tout cas, tu vois du continent ;) (extension de tu vois du pays)

Franck a dit…

Que de bonnes nouvelles, c'est super.

Dommage que la compagnie ne communique pas plus sur ces séances simu semestrielles, ceci rassureait "peut-être" sur les vols low cost.

Excellente continuation...

Franck

Jérémy Dewever a dit…

Je suis d'accord avec toi Franck.
Ceci étant dit, la réputation que la Compagnie rogne sur les coûts d'entretien est bien plus prononcée en France qu'en GB. Les gens déplorent "uniquement" le service à bord, mais sont habitués aux low costs grâce à des reportages objectifs télévisés.
En France, quand on parle Low cost, on tourne dans la dramatisation théâtrale...

Danny a dit…

Merci pour ce post et ces nouvelles encourageantes. Tu as de la chance d'avoir passé un séjour à Berlin. C'est là où j'ai voulu allé pour mon service militaire, mais je ne l'ai pas eu.

Keep in touch,

Danny
http://pilote.us
Salt Lake City, Utah.